top of page

Commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918

#EnCirco Ce matin, j’étais présent à Saint Sauveur sur École puis à Melun pour commémorer la fin de la Première Guerre mondiale, marquée par l'Armistice du 11 novembre 1918, en compagnie des élu·es locaux, que je remercie pour l’invitation – en particulier M. Baguet, maire de Saint-Sauveur-sur-École, qui m’a permis de prononcer un discours, reproduit ci-dessous –, des personnalités publiques, des autorités militaires, des membres et représentant·es des associations d’anciens combattants et mémorielles, des élèves et professeur·es des écoles mobilisé·es, des très nombreux·ses citoyen·nes qui ont contribué à ces commémorations dignes et fortes. Un grand moment de concorde républicaine.

En ce 11 novembre, nous nous réunissons, comme chaque année, pour honorer la mémoire de ceux qui sont tombés pour la France, pour la paix et pour la liberté. Nous nous souvenons de ces millions de soldats qui, entre 1914 et 1918, ont connu l’horreur des tranchées, la peur, la faim, le froid, la boue, l’angoisse, et souvent, hélas, la mort. Ils étaient jeunes, ces poilus enjoints au sacrifice pour la patrie, souvent à peine plus âgés que nos enfants aujourd’hui, sortis de leurs campagnes, des quatre coins d’une France qu’ils n’auront pas eu le temps de connaître. Près d’1,7 million de morts à déplorer, dont 300 000 civils, sur un total de 21 millions tous belligérants confondus. Une boucherie sans nom.

La guerre fut totale, massive, industrielle, chimique même, et elle aliéna l’esprit jusque dans le camp des plus ardents pacifistes ; à l’image, parmi tant d’autres d’un cortège macabre à l’infini, d’un Robert Hertz, agrégé de philosophie, sociologue promis à un bel avenir, socialiste fervent, néanmoins galvanisé par la pulsion belliciste qui emporte la raison, finalement tué à Verdun en 1915, à l’âge de 33 ans.

Ces commémorations sont également l’occasion d'honorer la mémoire des fusillés pour l'exemple et des mutins, qui eurent la force de se dresser face à l’arbitraire et l’iniquité des choix faits par des officiers si peu clairvoyants, et, surtout, face à l’absurdité et l’inhumanité d’une guerre déclenchée par les jeux d’intérêts des puissants et dont les victimes furent, avant tout, les classes populaires envoyées au front.

Souvenons-nous du grand Jean Jaurès, assassiné à Paris le 31 juillet 1914 la veille de la guerre pour avoir défendu la paix corps et âme. « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! », avertissait-il dans un accès de lucidité dans son dernier discours, cinq jours avant d’être abattu de deux balles dans la tête par un jeune militant ultranationaliste et va-t-en-guerre.

Souvenons-nous aussi des centaines de milliers de soldats venus des colonies françaises, envoyés mourir pour une République qui, trop souvent, les a ignorés, invisibilisés ou méprisés. Leur mort appartient à notre histoire commune et à notre mémoire nationale.

Souvenons-nous aussi, et encore, de tous ces abîmés de la Grande guerre : ces familles endeuillées, à jamais inconsolables, mais aussi ces gueules cassées qui devront affronter le regard des autres, ces pauvres gens qui ne parviendront jamais à se remettre de l’épreuve de la défiguration, définitivement inaptes au retour dans la vie ordinaire : vies gâchées, vies fichues.

Le 11 novembre 1918, à 11 heures, le canon s’est enfin tu. Mais ce silence, ce n’était pas l’oubli. C’était le début d’une promesse : celle de ne plus jamais revivre une telle tragédie.

Et pourtant, ô pourtant, les germes étaient instillés des conflits ultérieurs à peine l’armistice confirmé ; par l’esprit revanchard et la tentation d’humilier l’ennemi, à terre et forcé à l’évidence de son infériorité, par un traité de Versailles qui confirma sa mise au pas, et suscita aussitôt le ressentiment des mêmes fanatisés qui, en 1940, devaient forcer la ligne Maginot, soumettre la France et l’enfoncer dans la dictature fasciste.

Aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard, le monde semble parfois avoir oublié cette grave leçon. Nous voyons la guerre frapper encore, en Europe et ailleurs. Elle se prépare et s’anticipe, notamment dans la dernière édition de la revue nationale stratégique, qui juge crédible le scénario d’un conflit de haute intensité en Europe, provoqué par une puissance russe hors de contrôle et qu’il serait difficile de dissuader. Nous voyons également la haine, la peur, la désinformation de la guerre dite hybride, plus fondamentalement le rejet de l’autre, s’installer dans nos sociétés : le venin de la division du peuple.

C’est justement pour toutes ces raisons que la mémoire du 11 novembre reste essentiel et qu’il nous importe d’en cultiver le message. Car se souvenir, ce n’est pas regarder en arrière : c’est, tout au contraire, regarder devant nous, avec lucidité et responsabilité. C’est rappeler que la paix n’est jamais acquise. Qu’elle se construit chaque jour, dans nos gestes, nos paroles, nos choix.

C’est transmettre aux plus jeunes générations le sens du courage, de la solidarité, du respect de l’autre. C’est s’engager à être dignes de ceux qui nous ont précédés. C’est refuser la haine, refuser la division, et croire encore en l’humanité.

Que le souvenir du 11 novembre nous inspire. En ce jour de mémoire, ayons une pensée pour tous ceux qui ont souffert hier, et pour ceux qui, aujourd’hui encore, subissent la guerre. Que ce souvenir nous rappelle qu’au milieu du tumulte de ce monde, il existe encore des valeurs à défendre : la paix, la fraternité, l’humanité.

Vive la paix.

Vive la République.

Vive la France.



bottom of page