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Nouveau peuple, nouvelle gauche !

#VendrediLecture Je recommande vivement la lecture du dernier ouvrage publié dans la collection des « Livres de l’Institut La Boétie » aux excellentes Éditions Amsterdam. Il paraît aujourd’hui et est disponible dans toutes les bonnes librairies. Coordonné par mon collègue sociologue Julien Talpin, il propose une vaste et très complète réflexion sur les conditions d’émergence d’une nouvelle gauche porte-voix et incarnation d’un nouveau peuple. Les chapitres sont signés par des pointures des sciences sociales – une vingtaine au total.


Julien Talpin (crédit illustration : mediapart)
Julien Talpin (crédit illustration : mediapart)

Le menu est copieux : l’objectif est, d’abord, de caractériser et d’examiner les transformations des classes populaires, les modes de domination (oligarchie versus classes populaires, entre autres), notamment par les nouvelles formes d’alinéation au travail (celui des travailleurs des plateformes, uberisés, de l’autoentrepreneuriat, autoexploité, des services à la personne, etc.), mais aussi de déconstruire les oppositions bidon du type « France des tours, France des bourgs »… Ensuite, des chapitres envisagent le travail proprement politique à approfondir pour représenter le plus fidèlement et le plus efficacement ce nouveau peuple qui émerge, dans les quartiers populaires notamment, ce qui passe par une autocritique sans chichis et une rupture nette et tranchée avec la gôche bourgeoise qui, en connaissance de cause, avait décidé d’abandonner les classes populaires au service d’une « social-démocratie » pourtant aux abois. La stratégie qui consiste à avoir un pied dans les institutions (quitte à les brusquer, car elles dysfonctionnent) et la rue, où le peuple français révolutionnaire se reconnaît, apparaît très féconde. Enfin, les derniers chapitres mettent en série/relief des stratégies et des pistes pour agir dans la perspective de la conquête et surtout de l’exercice du pouvoir. Il s’agit, là encore, et sans surprise, de prendre la mesure de la corrélation de l’exigence de justice sociale, de l’urgence démocratique et de la lutte contre les effets des dérèglements climatiques.


Lien du live YouTube vers la rencontre autour de la parution du livre : https://www.youtube.com/live/YNPMM_imVyU?feature=shared
Lien du live YouTube vers la rencontre autour de la parution du livre : https://www.youtube.com/live/YNPMM_imVyU?feature=shared

Un entretien passionnant entre la philosophe critique américaine Nancy Fraser et Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’ILB, ouvre ces gros dossiers. La postface de ma collègue Clémence Guetté, co-présidente de l’ILB, vice-présidente de l’Assemblée nationale et coordinatrice de notre programme l’Avenir en Commun, est particulièrement convaincante. Tout y est, en particulier la conviction partagée qu’« il ne suffit pas de rejeter le néolibéralisme de manière abstraite ; il faut lui opposer une alternative concrète, crédible et intelligible » (p. 266). La vieille gauche, engluée dans des manières de faire et de mobiliser qui ne marchent plus, n’est plus à la hauteur. La construction de l’union populaire enjoint d’être inventif et de faire feu de tout bois, en nous appuyant sur une « doctrine émancipatrice et une stratégie révolutionnaire adaptées à cette nouvelle réalité historique ».

Je n’en dirai pas plus parce qu’il faut que chacun·e se saisisse de ces réflexions pour avancer. Pas de teasing ni d’analyse. Je dois dire, en passant, que je suis hyper fier, en mon autre qualité de chercheur en sciences sociales, de constater que notre mouvement sait y faire pour construire, en confiance, un partenariat heuristique et politiquement constructif avec les communautés scientifiques. Comme le rappelle Clémence, l’Institut La Boétie, auquel j’ai contribué depuis le début avec de très nombreux collègues (via le Département de sociologie notamment, qu’animent Marlène Banquet et Hadrien Clouet), s’emploie à « comprendre en profondeur le monde contemporain grâce aux sciences sociales, pour mieux le transformer. Cet espace vise à alimenter la réflexion politique de notre camp grâce aux travaux d’universitaires et d’intellectuels. » Alors que d’autres partis externalisent leur marketing politique sur des cabinets de conseil ou des think tanks qui font aujourd’hui aussi bien que ChatGPT, notre mouvement choisit de s’appuyer sur les résultats et les analyses des sciences sociales produites non pas par des « intellectuels organiques » inféodés au parti mais par des universitaires et des chercheur·ses qui font profession et science de comprendre la réalité sociale. Ces sciences sociales sont d’autant plus utiles pour faire avancer nos réflexions qu’elles sont autonomes. On sait que, précisément pour progresser, il faut leur laisser cette marge pour élaborer des diagnostics et interrogations critiques, ces recherches qui nous bousculent pour le meilleur. C’est le cas, de façon exemplaire, avec ce travail précieux.

Nul doute qu’il donnera envie à d’autres collègues d’emboîter le pas, du moins c’est mon souhait. Je confirme que l’on peut parfaitement poursuivre une carrière académique « performante » selon les standards scientifiques admis, et se déplacer dans cet espace interstitiel de la transformation politique par les idées – voire même aller au plus loin, en faisant de la politique « en vrai », et plus seulement à longueur de conversations entre collègues à la machine à café. Et puis ça n’est pas comme si la science n’était pas menacée aujourd’hui… Le simple fait de la pratiquer, professionnellement, nous expose, et nous engage. Chercheuses et chercheurs de tous les pays, unissons-nous pour l’union populaire !

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