Premières assises du spatial à Toulouse
- Arnaud Saint-Martin
- 11 juin
- 4 min de lecture
#EnDéplacement Hier 10 juin 2025, j’ai eu la chance de contribuer aux premières Assises du spatial à #Toulouse, depuis la Bourse du travail. Cette réunion était organisée par la CGT, la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie, l’UD31 avec la participation des syndicats CGT du secteur, dont la CGT d’Airbus Defence & Space, de Thales Alenia Space, du CNES et de la Coordination Aéro MidiPy CGT. Des dizaines de travailleur·ses du secteur (les délégations du CNES, de TAS, d’ADS et d’ArianeGroup étaient venues en nombre, et s’étaient donné·es rendez-vous pour échanger sur une multiplicité de questions (enjeux économiques et géopolitiques, emploi et luttes sociales, émergence d’une filière durable), dans l’objectif de participer à l’élaboration d’un « cahier revendicatif porteur de progrès social pour toute la société ». D’autres parlementaires ont fait le déplacement : ma camarade députée LFI/NFP et présidente de la Commission des Affaires économiques Aurélie Trouvé, Christine Arrighi, députée écologiste de la Haute-Garonne et Jacques Oberti, député socialiste de la Haute-Garonne.
En 15 minutes chrono, j’ai élaboré sur le thème de la prédation du capital sur l’économie de l’espace. Difficile de tout résumer ce qu’ai énoncé en mode rafale. En gros : nous traversons un moment charnière de l’histoire des usages de l’espace, qui approfondit les dimensions marchandes/mercantiles et militaires. La prédation, l’accaparement des ressources spatiales (jusqu’à la captation des réservations de couples spectres/orbites pour les missions satellites), l’écrasement de la concurrence et le fétichisme du profit sont l’horizon pratique d’une idéologie astrocapitaliste passées dans les mœurs. L’astrocapitalisme est « cannibale » (Nancy Fraser) : il dévore, engloutit, et régurgite par les « externalités négatives » et les déchets d’un système d’exploitation de l’espace engagé à marche forcée. On a beaucoup parlé des promesses du tourisme spatial et de l’exploitation des corps célestes, mais le moteur et le véhicule de cette prédation financiarisée du capital est aujourd’hui surtout incarné par le segment des flottes de satellites massifiées en orbite terrestre basse. Le déploiement dévastateur de Starlink m’a servi d’illustration d’une destruction créatrice qui a pris de vitesse une industrie enjointe à prendre le pli. La prédation n’en a pas moins des limites. La concurrence va vite devenir limitée par des paramètres environnementaux. C'est LE sujet des années à venir. La croissance du capitalisme dans l'espace n'est ni infinie, ni durable, et c’est pourquoi les États vont devoir siffler la fin de la récréation.
J’ai insisté sur la dimension idéologique. La rengaine du « New Space » forgée par des entrepreneurs de la cause astrocapitaliste est un mot d’ordre diffusé pour gagner une bataille culturelle, qui incite à aller toujours plus vite dans l’appropriation et l’accaparement de l'espace, et aller jusqu’à la remise en cause du Traité sur l’espace de 1967. J’ai rappelé toutes les tentatives, lointaines et récentes, de remettre en cause l’idée d’un espace comme bien commun non appropriable. Les États-Unis d’Amérique ont été particulièrement engagés dans cette voie, et l’ont confirmé via les « Accords Artemis » en 2020 – qui reconnaissent la possibilité de l’appropriation privée par et pour les businessmen –, qui accompagnement le retour sur la Lune sous l’angle, décomplexé, de l’économie extractiviste des ressources in situ. C’est pour l’heure de l’ordre de la soft law, du coup de canif dans le Traité, mais cela n’en participe pas moins d’une ambiance de travail alors que la révision des principes du Traité est mise à l’agenda dans les arènes de la diplomatie spatiale. J’ai rappelé que tout cela est encouragé par les gouvernements et les agences, y compris en France – qui a signé les Accords Artemis en 2022.
Pour toutes ces raisons, on a besoin d’une autre vision des usages de l’espace, de sortir des discours dominants de la prédation capitaliste du spatial. L’astrocapitalisme ne se moralisera pas par lui-même, il faut le contraindre et sortir de la logique du capital et de la domination des actionnaires. Il faut lutter contre cette vision-là qui porte en elle la destruction de cela même qu’elle exploite. Comment ? En reprenant la main, en pilotant et en programmant ces activités, de façon volontaire, lucide et dans l’anticipation des conséquences. Il faut croître moins, et mieux. Un autre déploiement est possible. Il faut gouverner par les besoins. Il faut redémocratiser les décisions, planifier les moyens et les ajuster à des fins, promouvoir d'autres modes d’organisation du travail, avec les travailleurs au centre. Il faut également faire bifurquer écologiquement le spatial, nationaliser les entreprises stratégiques – j’ai cité ArianeGroup. J’ai rappelé qu’à La France Insoumise, nous portons une autre vision des usages de l’espace, de l’espace comme patrimoine mondial de l’humanité, que les États doivent protéger des prédations capitalistes.
Ce fut l’occasion de mettre les pieds dans le plat, d’aborder les questions qui fâchent (projet « BROMO », dont j’ai souligné l’inanité, ou politique pro-start-up Macron-Le Maire, dans le cadre de France 2030, source de gaspillages et d’impasses), de plaider pour un renforcement du CNES, l’autorité stratégique et politique d’un État qui sait ce qu’il veut en tant qu’il est garant du gouvernement par les besoins, ou encore pour une démocratisation des choix techniques et politiques, en rupture avec le confinement de la décision dans un secteur certes stratégique mais qui gagnerait à se confronter aux citoyen·nes autrement que sous le couvert de la fascination et de l’enchantement naïf.
Bravo et merci aux camarades de la CGT qui ont organisé cette première édition, très réussie, conviviale, studieuse et combative. Stratégie spatiale nationale, front des luttes pour la défense de l’emploi, ministérielle de l’ESA, loi spatiale européenne, etc. : l’actualité spatiale à venir est chargée, et nous continuerons à faire vivre une autre vision du spatial.