Rassemblement contre l’islamophobie à Moissy-Cramayel
- Arnaud Saint-Martin
- 14 juin
- 7 min de lecture
#CircoDÀCôté Ce matin dimanche 15 juin était organisé devant la mairie de Moissy-Cramayel un rassemblement contre l’islamophobie, tous les racismes et pour l’unité du peuple, à l’initiative des camarades insoumis de Moissy. J’y ai pris la parole après ma camarade Julie Garnier, conseillère régionale d’Île-de-France, et Frank Arnold, coanimateur d’un GA LFI à Moissy. De nombreuses personnes étaient au rendez-vous, bien déterminées à dire stop à tout ce qui casse et sape la solidarité humaine.
Voici le texte que j’ai lu, avec l’énergie de l’espoir qu’il faut continuer de mettre dans la lutte :
Nous sommes réunis ici pour afficher et démontrer notre exigence d’humanité, de solidarité, de fraternité, contre tous les diviseurs du peuple. L’islamophobie, comme toutes les formes de discrimination et de racisme, est un fléau, une plaie. C’est inconcevable, et pour dire intolérable, qu’en France en 2025, il nous faille encore rappeler l’évidence que ce racisme, et toutes les formes de racisme, n’ont pas droit de cité : ces haines sont illégales, et elles le sot pour des raisons évidentes. Or il n’a jamais été aussi nécessaire de le redire, de l’affirmer, dans un contexte d’exacerbation des plus viles passions.
Ces passions prospèrent sur un terreau hélas fertile. Ça n’est pas nouveau. Cela fait des décennies que le racisme fragmente la société. Il nous faut pointer des responsables : ça ne tombe pas du ciel. Il y a une certaine ambiance idéologique, propice, qui entretient la haine et la stigmatisation des musulmans et de l’islam. L’opinion, on le sait, ça se prépare, ça se travaille. Les médias pourris, les chaînes d’info en continu qui substituent l’info pour le bla-bla des plateaux, pas n’importe lesquels, participent de la construction d’une opinion faible et mal dégorgée. Par masochisme sans doute, il m’arrive de regarder CNEWS : histoire de confirmer l’hypothèse tant vérifiée que nous avons affaire à une idéologie diarrhéique qui a pour fonction d’entretenir le ressentiment, l’entre-soi racialisé, et la détestation de tout ce qui ne ressemble pas à Bolloré. Je ne pense pas qu’il faille aller plus loin dans l’analyse. Tout cela est connu, prévisiblement obsédé, répétitif, sans autre fin que celle de construire l’ennemi intérieur et, par ricochet, reconstruire l’identité fantasmée du Français-de-souche exposé à l’obsolescence programmée.
Je le dirai très directement : les responsables de la surenchère islamophobe sont aussi au gouvernement. Je m’en voudrai de citer les lubies de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, hier encore sénateur confidentiel surgi du Puy du Fou et sorti de la naphtaline pour entrer dans un gouvernement de bric et de broc. Cela sonne faux, mais allez savoir pourquoi, à la force d’un énorme matraquage médiatique, d’une complaisance politique qui exprime aussi tellement le fait que la droite dure est en panne, ce monsieur Retailleau a désormais tout loisir de jouer les durs, de stigmatiser les femmes qui portent le voile, de provoquer l’Algérie, par un bras de fer en bois qu’il a perdu au final. Retailleau parle beaucoup, rebondit sur chaque fait divers – pour faire diversion –, mais aussi, il faut bien le regretter, il agit. Et pas dans le sens le plus républicain. Obsédé de l’identité nationale d’une France rabougrie, il resserre les critères de naturalisation des étrangers, il durcit le ton sur l’immigration, la sécurité, etc. C’est du sous-Sarkozy, ça fait illusion un temps, et quoi qu’il arrive, ça fait le jeu de l’extrême-droite que ce ministre sert objectivement.
Mais toute cette islamophobie prônée au gouvernement ne date pas d’hier. C’est un lent processus, avec des pics d’attention et de tension, par exemple la loi dite séparatisme. Cette loi passée en 2021 était clairement conçue pour fliquer les musulmans sous couvert de lutte contre l’islamisme. Les lepénistes en rêvaient, les macronistes l’ont fait. On le sait, on l’a vu, depuis les attentats de 2015, au sommet de l’État, la suspicion a grandi vis-à-vis des musulmans – y compris à la droite de la gauche, matrixée par l’idéologie confusionniste du Printemps Républicain. Et ça continue, encore, avec un ce rapport si contestable sur les Frères musulmans en France, qui verse dans le complotisme en invoquant « un projet secret ». C’est grotesque, mais ça ne cesse pas de hanter le débat public pourri par des médias bollorisés (1), et donc ça finit par cadrer la réponse politique.
Mais ça n’est pas qu’une question de débat ou de conversation de PMU. Les idées ne persévèrent pas dans un ciel abstrait. Elles ont des conséquences matérielles. L’extrême-droite islamophobe, en croisade, vengeresse, est destructrice. L’extrême-droite pue, l’extrême-droite tue. Elle arme mentalement. Elle excite. On peut citer les dernières révélations du site Les Jours (2). Un nouveau groupe, officiel, du RN, « La France avec Bardella », auquel sont inscrits des milliers d’abonnés et plusieurs députés RN, autorise des commentaires d’une rare violence verbale. Que je ne citerai pas parce que c’est obscène et intolérable. L’islamophobie, la haine des arabes, antisémitisme, la négrophobie, et toutes les formes de haine dirigée s’y déversent comme un torrent de boue incontrôlable. Cette parole-là est déchaînée, exprimée sans censure, à ciel ouvert. Cette fosse à purin idéologique est cultivée dans la vase close d’une masse de haineux qui, la plupart du temps, vomi sa bile à la maison, par téléphone ou ordinateur interposés, bien au chaud, dans l’impunité du trolling sur les réseaux sociaux. Et elle le fait dans une relative impunité, alors même que ces horreurs sont formellement prohibées.
Les mots peuvent devenir des armes. L’extrême-droite pue, mais aussi, l’extrême-droite tue. La preuve : le meurtre prémédité et clairement assumé dans son mobile islamophobe d’Aboubakar Cissé, dans une mosquée le 25 avril dernier, signale le risque désormais avéré du passage à l’acte. Cet odieux crime, nous l’avons dénoncé, nous avons alerté sur ses causes, mais il aura fallu forcer le destin pour que le champ politique fasse le minimum, à savoir, par exemple à l’Assemblée nationale, une minute de silence (Le RN l’a snobé). Il y a eu aussi, à Puget-sur-Argens le 31 mai dernier, ce meurtre de sang-froid d’Hichem Miraoui par son voisin fan de Le Pen, radicalisé par ses idées racistes.
Ce n’est pas seulement l’œuvre de loups solitaires enfermés dans leur bulle de filtres nauséabonde. La haine et le désir de tuer s’organisent collectivement. Jusqu’au 2 juillet, devant le tribunal correctionnel de Paris, sont jugés les membres d’un groupe clandestin d’ultradroite soupçonnés d’avoir préparé des attentats racistes. Ce groupe a été stoppé en 2018 alors qu’il projetait des actions violentes contre la communauté musulmane, des assassinats contre des imams notamment ou une attaque terroriste contre une mosquée d’Île-de-France « à l’explosif et avec des tireurs longue portée ». On ne sera pas surpris que, sur les boucles de discussion qui ont été infiltrées par les agents du renseignement intérieur, ces cintrés de l’ultra-droite visent tout autant les musulmans que, pour reprendre leurs termes malades, les « milices gauchistes, anarchistes, zadistes, antifas » et les « bataillons boboïdes des “humanistes”, “droitsdelhommistes”, bizounours, idiots utiles » (3), c’est-à-dire des gens comme moi, coupables de lutter contre les racismes, les discriminations, au nom de la justice sociale et de la paix civile.
On pourrait multiplier les exemples qui participent de cette escalade. Des exemples de crimes fantasmés, de crimes perpétrés, de crimes en puissance. Ce sont autant de crimes de haine, d’atteintes mortelles à l’humanité toute entière. Hélas, on ne peut PAS compter sur l’actuel gouvernement pour faire le ménage parmi les agents du chaos et de la division du peuple, parce que, non seulement ce gouvernement est illégitime, sans fin ni autre fond que sauver ce qu’il reste du macronisme, mais en plus, il cogère le désastre avec une extrême-droite qui s’autorise en arbitre des inélégances à l’Assemblée nationale et au-delà, dans le champ politique. Retailleau fait du Le Pen avec l’énergie du copieur-colleur, en imaginant siphonner des voix alors que c’est lui, et les LR déclinants, qui sont littéralement siphonnés.
Il y a 1 an ou presque, le président de la République, dans un accès de machiavélisme pseudo lucide dont il est coutumier depuis 2017, a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. On se souvient de la déflagration. C’était donner quitus au RN qui l’avait enjoint de dissoudre en cas de victoire terrassante aux européennes. Il s’est exécuté, et a cru bon d’exécuter la démocratie ainsi. La perspective d’un Bardella premier ministre, construite et entretenue par les mêmes médias et officines de l’officialité dont je parlais tout à l’heure, était lourde de menaces pour des millions de nos compatriotes. On se rappelle de l’ambiance détestable, du sentiment que tout était plié par avance, qui gagnait trop les esprits. Pourtant, et c’est sur cette note que j’aimerais pouvoir finir, nous nous sommes mobilisés. Nous avons déjoué le scénario moisi que nous vendaient les prophètes de malheur. Le Nouveau Front Populaire est né dans l’urgence d’une nécessaire mobilisation contre l’extrême-droite et le fascisme rampant. Donnée victorieuse dans tant de circonscriptions, à commencer par celles de Seine-et-Marne, elle ne l’a pas emporté : le plan a été contrarié.
Certes, ce sont plus de 120 députés plus les ciottistes fascisés et les LR en passe de s’extrême droitiser qui forcent l’évidence de leur force à l’Assemblée ; certes encore, le NFP s’est fait doubler par un président arrogant qui a refusé de nommer une première ministre issue de ces mêmes rangs et a préféré, pour assurer la stabilité de son bloc bourgeois, choisir un Michel Barnier qui n’aura pas passé l’automne ; certes enfin, nous sommes contraints de surnager dans le marasme de l’indécision et, en même temps, l’approfondissement de la crise politique par le macronisme déchéant ; certes, mais finalement, c’est justement le meilleur moment pour faire entendre la voix du peuple que cette caste oligarchique cherche à éteindre et à manipuler dans le sens de ses intérêts bourgeois. Nous devons maintenir l’exigence de l’optimisme de la volonté, armé d’un pessimisme de l’intelligence cher à Gramsci : NOUS SOMMES LE PEUPLE, NOUS SOMMES LA RAISON, et il est hors de question de nous laisser abattre. De laisser les prêcheurs de haine islamophobe, les vieux racistes réacs et les marchands de guerre sociale briser notre commune humanité, et l’union populaire. Nous sommes le peuple, et nous sommes la France, la nouvelle France métissée, créolisée, riche de la diversité des cultures qui la constituent, la façonnent, des religions qui peuvent vivre et qui, en fait, vivent déjà dans une coexistence pacifiée.
À La France Insoumise, nous croyons dur comme fer à la nécessité de prendre le pouvoir par les urnes, à la nécessité de la révolution citoyenne : la seule qui puisse accoucher d’une nouvelle République, la 6e, la seule à même d’unifier le peuple, de faire l’union populaire !
Crédits photos : Mathieu Garnier.











