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Tribune : Parcoursup est devenu une vitrine publicitaire pour le privé pendant que l’enseignement supérieur suffoque


Au moment où s’ouvre Parcoursup, le sociologue des sciences et député LFI Arnaud Saint-Martin décrit dans cette tribune l’essor du « business honteux » de l’enseignement supérieur privé. Et pointe la responsabilité de l’Etat.


Alors que pas moins de 60 universités sur 75 pourraient se retrouver en déficit d’ici la fin de l’année prochaine, alors que le coût de la vie étudiante augmente, alors que les budgets de la recherche stagnent ou diminuent irrésistiblement d’année en année, la casse de l’université publique permet le colossal essor de l’enseignement supérieur privé lucratif. Un roc, un pic, un cap, une péninsule : jamais ce secteur n’a été si proéminent et si bien portant, engloutissant tout sur son passage, y compris les étudiants les plus précaires qui oseraient s’y aventurer.

Dans l’ambiance dynamique et pédante des salons d’orientation pour étudiants, les stands (al) loués aux formations privées (qu’elles paient parfois une petite fortune) fleurissent et se multiplient, se mêlant astucieusement aux formations publiques, en en arborant les mêmes insignes et les mêmes sigles, ne formant qu’un immense essaim d’hypothèses de chemins de vie, dans lequel il est de plus en plus aisé de se faire piquer. Les formations privées les plus obscures dépensent une petite fortune pour être présentes à ces salons, tout comme elles le font sur la plateforme de désorientation et de sélection qu’est Parcoursup.


En quatre ans, le nombre de formations privées a doublé, passant de 4 992 formations en 2020 à 9 298 aujourd’hui. Le nombre de formations publiques n’a, quant à lui, augmenté que de 15,3 % au cours de la même période. Entre la surreprésentation aux salons d’orientation et la mise en valeur ostentatoire par Parcoursup, les résultats ne se sont pas fait attendre. Un quart des étudiants est inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur privé.

Rassurons-nous collectivement : les étudiants n’y sont pour rien. C’est, comme toujours, l’Etat qui organise minutieusement et financièrement la casse du public, et l’essor collatéral du privé, en oubliant sur son passage la nécessité de contrôle, l’impératif de pédagogie, la probité, l’intégrité académique, au bénéfice du profit, des grosses entreprises, et de la casse tant attendue de l’université privée par les libéraux. Parcoursup est devenu une vitrine publicitaire pour le privé, prospérant sur fond de laisser-faire et d’absence de contrôle gouvernemental.

Les ravages sont nombreux. La DGCCRF a enquêté sur 80 établissements privés de ce type, et ses constats sont alarmants : 56 % des établissements contrôlés présentent des anomalies sur au moins un point de la réglementation : prix promotionnels mensongers, arnaques, diplômes bidons, et poudre aux yeux. C’est de la fraude organisée. Certaines formations qui ne sont pas enregistrées sur le marché Parcoursup parce qu’elles ne sont pas homologuées choisissent d’aller dans le même sens, et en pire. Elles s’organisent pour promettre monts et merveilles aux futurs étudiants et aux familles, se servant de leur absence de Parcoursup comme argument promotionnel. Elles leur promettent d’obtenir un « Mastere » ou un « Bachelor », masquant astucieusement le fait que ces diplômes ne sont en rien reconnus ou homologués par l’Etat. C’est ce qu’a montré Mathis d’Aquino dans ses travaux.

Les étudiants payent parfois des formations très onéreuses et espèrent pouvoir décrocher le sacro-saint diplôme qui leur permettra de s’en sortir dans la jungle du marché de l’emploi, mais se retrouvent quelques années plus tard avec un emprunt sur le dos, diplôme bidon en poche. Lorsque les différents ministres sont interrogés à ce sujet, comme l’a été le libéral complotiste censuré Patrick Hetzel, ils promettent la création de label, venant attester de la conformité du diplôme et de la formation. Problème : si les familles ne peuvent déjà pas se repérer parmi la myriade de diplômes et de formations factices proposées, comment pourront-elles le faire avec les labels ?


Faux diplômes et labels bidons


Les faux diplômes, et les formations privées frauduleuses se développent avec la complicité objective du ministère. Les familles découvrent le pot aux roses a posteriori, trop tard, lorsqu’elles ont déjà déboursé une petite fortune pour les frais d’inscription, ou que les phases d’inscription dans des formations réglementaires sont déjà terminées.

Le secteur du privé est dominé par les cinq grands groupes : Galileo Global Education (qui a eu l’« honneur » d’un reportage de « Complément d’enquête », et dans lequel Muriel Pénicaud a pantouflé après leur avoir largement facilité la réforme de l’apprentissage), Omnes, EduServices, Eureka et Ionis. Ces établissements vendent à prix d’or des formations en faisant miroiter des diplômes de qualité. Les familles et les futurs étudiants, rassurés par l’utilisation des appellations AOC « République française », « diplôme universitaire », « reconnu par le rectorat », ou « labellisé » s’y inscrivent, payent, et se prennent un mur. Parce qu’il n’en est rien. Ces faux diplômes n’ont rien d’universitaire, ont des labels bidons, parfois loués, et ces formations n’ont rien à voir avec la République, si tant est qu’on omet le fait qu’elles sont largement soutenues et encouragées par son président.

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